Audrey Verlomme, coach poker

A 39 ans, Audrey Verlomme a accompagné une centaine de joueurs, des amateurs aux professionnels, en leur permettant de performer lors des plus grands tournois live.

Ligue Française de poker : Quel est ton parcours avant d’être coach poker ?

Audrey Verlomme : J’ai débuté par des études commerciales et ressources humaines en alternance, avant une licence pro en Ressources Humaines. J’ai décidé d’être commerciale, et j’ai été directrice pendant quinze ans à Paris, dans plusieurs secteurs d’activité, mais principalement dans la logistique. J’adorais ce que je faisais, avec notamment l’empathie liée à ce poste. J’aime le relationnel, je me considère comme extravertie et j’aime faire de nouvelles rencontres. J’aime aussi beaucoup aider, conseiller, et le côté commercial m’apportait cela.
J’ai évolué dans de très grosses boîtes, dans des start-ups également, et j’avais d’excellents résultats, mais je suis tombé sur des managers toxiques qui m’empêchaient de performer. Mais rien n’arrive par hasard et je devais sûrement en passer par là. Cela m’a conduit à faire un burn-out, et j’ai donc tout arrêté, en 2018, deux ans avant la crise Covid, car je n’étais plus à mon meilleur niveau. Ce manque de liberté, de confiance, m’ont bloqué.
J’ai connu le poker en 2016, par le biais du monde associatif. J’ai intégré plusieurs clubs parisiens : le Paname Poker Club, le club d’Issy-les-Moulineaux, j’ai participé à des parties à l’Entrechoc… J’y ai rencontré beaucoup de monde, des joueurs amateurs et des pros, que je n’aurais jamais rencontré ailleurs. J’ai commencé à jouer dans les cercles, en cash game, sur des tables à petit buy in à Clichy Montmartre, au Club Circus, dans les bars avec Red Cactus, puis en MTT, lors d’événements comme le SixMix à Marrakech, le WPO à Dublin… A partir du moment où j’ai connu le poker, c’est devenu une passion. Je vis poker, je respire poker, et tout dans ma vie est lié au poker. Le fait de connaître des joueurs professionnels m’a d’ailleurs aidé en tant que coach.
Avec le Covid, je ne pouvais plus jouer en live, ni faire de rencontres. Je n’avais fait que quelques parties onlines. En voulant tirer une opportunité de ce moment difficile, je me suis tenté à essayer de jouer online et de me professionnaliser, en me faisant coacher techniquement et mentalement, et en ne jouant pas de façon récréative. J’ai beaucoup grind pendant le Covid, mais je me suis rendue compte que ce n’était pas pour moi. Je ne suis pas capable de rester des heures derrière mon PC sans communiquer avec des êtres humains.
A cette époque, je me suis fait coacher, et cela m’a donné l’idée de me lancer. J’avais l’empathie, l’écoute active, j’aimais aider les autres, je m’intéressais au développement personnel, j’avais les compétences techniques liées au poker… Je me suis donc formée avec pour objectif de devenir coach mental pour les joueurs de poker.

Ligue Française de poker : Toutes ces connaissances et ces qualités t’ont donc permis d’accompagner des joueurs rapidement…

Audrey Verlomme :
J’avais en effet toutes les appétences. Et aujourd’hui, avec le recul, je me dis que j’ai eu raison, même si c’est dur de sortir de sa zone de confort. Je me suis quand même lancée, avec une première formation de préparation mentale pour les sportifs de haut niveau, reconnue par l’Etat. J’ai continué à me former, jusqu’à aujourd’hui, pour être la meilleure coach possible pour mes joueurs et mes joueuses. J’ai acquis beaucoup d’expérience grâce à la centaine de joueurs avec lesquels j’ai travaillé. Mon activité a tout de suite bien marché, grâce au réseau : des personnes sont venues me voir, et ensuite d’autres grâce au bouche à oreille.

Ligue Française de poker : Que souhaitais-tu apporter aux joueurs de poker lorsque tu t’es lancée dans le coaching mental ? un travail sur la psychologie, le développement personnel ? ou autre chose ?

Audrey Verlomme :
C’est une très bonne question. Lorsque j’ai débuté, je n’arrivais pas à mettre des mots précis sur ce métier. Coach mental, de performance, de vie… Mais je savais que je souhaitais proposer un accompagnement dans sa globalité, sur plusieurs aspects : la macro-gestion liée à la vie de chaque joueur, les blocages mentaux qui empêchent la performance, parmi lesquels la gestion des émotions, la fixation des objectifs, l’ancrage de nouvelles habitudes… Beaucoup de choses sont effectivement liées à la psychologie, d’autres au mental et à la performance… C’est très complet.

Ligue Française de poker : Le poker, dans son aspect compétitif, englobe de nombreux paramètres qui ne sont pas forcément liés au jeu. Avoir un excellent mental est donc essentiel pour performer…

Audrey Verlomme :
En effet. Je ne suis pas coach technique, je ne parle donc pas, avec mes joueurs, de ce sujet ni de leurs leaks techniques, même s’ils me parlent des coups joués. Cependant je peux discerner s’il s’agit d’un leak technique ou mental. Un joueur a beau être fort techniquement, si mentalement ce n’est pas le cas, il peut s’autosaboter. Et inversement, un joueur fort mentalement peut aller très loin dans un tournoi. Cela m’arrive de voir des joueurs qui spew. Des récréatifs peuvent sautent d’un tournoi et revenir le lendemain, et d’autres vont contacter un coach pour faire un travail sur eux, car ils ont conscience de perdre de l’argent et ont envie de « step up ».

Ligue Française de poker : Certains joueurs peuvent également avoir besoin d’un coach car ils ont des objectifs de tournoi élevés : EPT, WSOP… Lorsque tu débutes un coaching avec un joueur, quelle est ta première approche ?

Audrey Verlomme :
Au début, je découvre la personne en tant que tel. Je cherche à comprendre qui elle est, sa situation personnelle… Je coache des amateurs, des semi-pros et des pros, et beaucoup d’entre eux ont à côté une profession. Un grand nombre de joueurs sont d’ailleurs entrepreneur. J’ai besoin de connaître leur rythme de vie, et, d’un point de vue poker, quel ABI (Average Buy-In) ils jouent, quels formats (MTT, spin, cash game…), si ce sont plus des joueurs online ou live, mais aussi ce qui les fait vibrer, et ce qu’ils attendent d’un coaching. Je cherche également à savoir quels principaux blocages les empêchent de performer, et où ils souhaitent être amenés. Ce que j’aime le plus, c’est lorsqu’ils viennent en sachant, plus ou moins, sur quelle thématique travailler, comme la gestion des émotions… Cela me permet de m’adapter à chaque personne. Ce n’est pas à moi de dire sur quel aspect travailler, même si je retrouve souvent certaines similitudes, comme la confiance en soi, l’estime de soi, l’affirmation de soi. Je les aide à avoir confiance dans la vie pour qu’ensuite ils aient confiance dans le poker.
Je ne vais pas appliquer les mêmes méthodes pour tous, car certains joueurs sont plus cartésiens et d’autres plus portés vers le spirituel. Je suis un mélange des deux, je peux donc facilement m’adapter aux deux profils, et donner des exercices en dehors des séances. J’aime les faire travailler entre deux séances, qu’ils trouvent des pistes par eux-mêmes, même si je conçois qu’il est difficile de travailler seul le mental, encore plus que le côté technique. Le coach doit s’adapter, coller au mieux aux attentes de la personne coachée, de comprendre ses besoins pour y répondre de la meilleure manière.

Ligue Française de poker : Quels ont été les retours positifs des joueurs que tu as coachés ? certains ont-ils performé sur des tournois, atteint leurs objectifs ?

Audrey Verlomme :
Je suis fière d’une chose. En 2022, les trois joueurs que j’ai accompagnés et qui ont joué des tournois WSOP sont devenus champions du monde. C’est quelque chose qui me restera à vie, tout comme la relation que j’ai avec eux. Les émotions que j’ai vécues, individuellement, avec chacun d’entre eux, sont incroyables. Ce Vegas était fou, c’est magnifique. J’ai aussi eu énormément de reconnaissance de mes joueurs et joueuses, et cela me donne l’énergie de continuer. Les voir épanouis, savoir ce qu’ils ont pu débloquer, me comble.

Propos recueillis par Ludovic Rhode