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Actualités  |    Mardi 5 Juillet 2016

Pour un Poker plus féminin

Le poker, un jeu amoral ?

Pour un Poker plus féminin ?

Comme vous le savez déjà le Poker est le jeu de carte le plus joué au monde. Avec une affluence qui a énormement augmenté dans les années 2000, la santé de la discipline est toujours aussi bonne, et on a cessé de compter les records de participants à des tournois live ou online. Pourtant malgré cette bonne vitalité, et sa forte popularisation, ce jeu est resté majoritairement masculin. Ainsi, on s’apercoit que le taux de participations des femmes aux tournois varient entre 5 et 10% selon les études. Il est surprenant de voir que ces chiffres sont toujours aussi faible, surtout pour un jeu cérébrale et non physique. Decryptage.

Un environnement rebutant

Le lieu privilégié du Poker reste le Casino. C’est ici qu’ont lieu les tournois, que les fortunes se font et se défont, et c’est également la principale cible des personnes accusant la discipline de machisme. En effet, le casino est décrit par beaucoup de joueuse comme un lieu hostile pour les femmes. Ainsi, Jessica Welman, journaliste Poker, racontait qu’une personne novice, et qui voulait expérimenter le milieu, pouvait facilement être rebutée par l’intransigeance ou la lourdeur de certains compétiteurs. Cela allant jusqu’à créer une certaine anxiété pour sa mise si elle gagnait.

De manière plus précise, on a le témoignage qu’a fait Cate Hall l’année dernière, qui atteste d’un bon nombre de remarque sexiste (bienveillante ou non), même dans les conditions de jeux les plus « soft ». Elle rajoute que si elle jouait juste pour le plaisir, et non pas pour gagner de l’argent, cela ferait longtemps qu’elle aurait déserté les tables de jeu pour cette raison.

Si dans ce genre de cas, on a tendance à penser que parler de sexisme est exagéré et à minimiser le poids de nos paroles, on peut tout de même croire les joueuses qui majoritairement déclarent qu’il y a un véritable problème.

Outre cet environnement hostile, le marketing autour est souvent lui aussi gênant. Même en enlevant les couvertures de magazine montrant des femmes en sous vêtement, et en faisant l’impasse sur le fait qu’il est plus facile de trouver un classement des joueuses les plus sexy, qu’un top des meilleures joueuses, on a tout de même le cas des Royal Flush Ladies qui est assez symptomatique.

Problématique soulevée par Darryl Fish l’année dernière au tournoi de Montréal, qui a refusé que soit inclues ces fameuses Royal Flush Ladies dans la photo célébrant sa victoire. Il s’expliquera en disant que « le fait d'avoir des modèles féminins déambulant dans les pokerrooms pour le plaisir des yeux des hommes contribue à faire dans l'esprit de ceux-ci des femmes des objets et du poker un jeu masculin. »

Le refuge : Ladies Event & Jeu en ligne

Les casinos ont trouvé une solution afin d’amener les femmes à jouer et cela dès les années 70 en créant des tournois exclusivement féminin. De nombreux débats sur la pertinence de ces Ladies Event ont depuis eu lieu. Les antis avancent souvent l’argument que ce genre d’évènement auront surtout la conséquence de séparer les sexes et de rendre le Poker non-mixte (à l’instar du sport). Mais il faut savoir que pour la plupart des personnes en faveur de ces Ladies Event, ceux-ci n’ont pas vocation à rester indéfiniment. Le véritable but est de permettre aux femmes de tenter l’expérience du tournoi live sans être dégoutée par le contrecoup de l’environnement hostile et désagréable décrit en début d’article. Les Ladies Event ne seraient donc qu’un moyen de se roder un peu quand on a juste joué entre ami ou en ligne, avant de rentrer dans la véritable fosse aux lions que représente le tournoi mixte.

Mais outre ce questionnement, il existe un second problème : le manque de légitimité des Ladies Event vis-à-vis de la Loi. Comme dit la législation dans la majorité des pays (dont la France), il est impossible d’interdire l’inscription de quelqu’un sur seul argument de son sexe. Ce qui veut concrètement dire qu’un homme peut tout aussi bien s’inscrire à ces évènements qu’une femme. Si évidemment, il conviendrait de respecter cette envie des femmes d’avoir un tournoi à elle, il s’avère que très régulièrement les ladies Event contiennent une part non négligeable d’homme. Des participants masculins qui vont même parfois jusqu’à gagner ledit tournoi comme à Deauville l’année dernière.

Depuis les années 2000, une autre alternative aux tournois a vu le jour avec le jeu en ligne. En effet, il est plus facile de pouvoir jouer tranquillement sur internet, déjà car recevoir une réflexion en face à face et en écrit n’est pas la même chose, et ensuite car certain site propose justement qu’il n’y ait pas de chat box afin de limiter au maximum la discrimination.

Les chiffres sont incontestables, environ 35% des joueurs en ligne seraient des femmes, ce qui est 4 à 7 fois plus qu’en tournoi live.

Le poker, un jeu amoral ?

Malgré tous ces exemples, il reste un dernier argument tout de même intéressant qui nuance un peu le tout. C’est que le Poker est par définition un jeu hostile, où le but est de soutirer l’argent de son adversaire. On utilise du coup toute une palette d’astuce afin de rendre ça plus facile en usant du bluff, du jeu tactique, mais aussi de son comportement à la table. Si on remarque qu’une femme s’énerve facilement face à des remarques sexistes, on peut être tenté d’appuyer là-dessus afin de faire déjouer son adversaire.

Outre l’aspect assez immorale de ce genre d’agissement, ce comportement n’est même pas très profitable à moyen, voir long terme. L’afflux de nouveau joueur en compétition est toujours une bonne chose pour le compétiteur professionnel, cela veut dire de potentiel gain facile. Hors, en continuant ce genre de manœuvre, est-ce que l’on ne se prive pas de tout un pan d’un public potentiel, qui pourrait éventuellement former le « second Boom du Poker » ? A la fois plus morale, et plus rentable à long terme, être respectueux avec la gente féminine devrait être l’attitude gagnante que tout homme se doit d’adopter.

Monard Pierre